Chère Elisa,
Il est assis en face de moi dans le bus, son jeune visage d’adolescent tourné vers les vitres. Son regard est attentif, il tourne la tête à droite puis à gauche, emplit ses yeux des images qui viennent à lui. Son regard est curieux, scrutateur. Il tente de ne rien perdre de ces rues qu’il parcourt pour la première fois. Il tente de se repérer dans cette ville dans laquelle il ère depuis trois mois. Le bus passe sur un pont et traverse le canal, son cou se tend. Je vois une lumière briller dans ses yeux, la vue est belle : la vieille locomotive qui orne le pont, le port de Bruxelles, les péniches, le soleil automnal. Il a 16 ans. Un enfant. Il me fait penser à mon cousin du même âge. Les mêmes expressions encore enfantines dans ces jeunes corps d’adulte. Et pourtant… Il vient de passer la nuit chez moi, et je le raccompagne vers le parc. Nous ne nous connaissons pas. Je ne connais de lui que son prénom et son pays d’origine. Un pays de guerre et de misère, à l’est de l’Afrique. Je n’ose imaginer le chemin qu’il a parcouru. Je n’ose imaginer ce qu’il y a vu et vécu. Un de ses doigts est complètement tordu, brisé. Je n’ose lui demander ce qui lui est arrivé. Nous arrivons à destination et échangeons remerciements, sourires et au revoir. Il a décidé de tenter sa chance, ce soir. Son rêve, c’est l’Angleterre.
Chère Elisa,
J’habite Bruxelles, capitale provinciale, village multiculturel, ville de cœur. Chaque jour, après avoir déposé mes enfants à l’école, je me rends au travail en vélo. J’aime beaucoup ce moment : me dérouiller les jambes, zigzaguer entre les voitures, être seule avec mes pensées. Chaque jour, je passe sur le pont du canal, et souvent, je suis émue par la vue, par la lumière, par le vent de liberté qui y souffle. Jusqu’à il y a peu, chaque jour également, cette image et les émotions qu’elles suscitent étaient rapidement chassées : après le pont, le parc Maximilien, et ces corps toujours plus nombreux qui y dormaient dans le froid, l’humidité, la pluie. Chaque jour, une tristesse infinie et un terrible sentiment d’impuissance m’assaillaient, accompagnés d’une honte immense. Et bien souvent, les larmes me montaient aux yeux. Le parc Maximilien, qui jouxte l’office des étrangers, c’est le parc où les migrants se retrouvent, attendent une opportunité, bâtissent leurs rêves, survivent. C’est le parc des rafles aussi, où la police bruxelloise a commencé à faire des descentes de plus en plus fréquentes, de plus en plus tôt, visant à embarquer un maximum de personnes.
Chère Elisa,
A Bruxelles, des citoyens se sont rassemblés et des bénévoles sont sur le pont, tous les soirs, pour que vive l’amour et la solidarité. Des portes, de plus en plus nombreuses, s’ouvrent à l’inconnu. Pour que plus personne ne dorme dans les parcs. Pour que chacun, tous, nous retrouvions notre humanité.
Photo By Julot.
C’est poignant. Lire ces lignes me fait mal. C’est notre monde aujourd’hui. Avec, entre autres, ceux qui fuient, ceux qui rejettent, ceux qui redonnent de l’humanité. Cet adolescent pourrait être notre cousin, notre frère, notre fils à tous. Avec dans les yeux une histoire sans doute inracontable. Merci de rappeler que ce sont des êtres humains.
Pfiou… Ce texte est triste, ce texte est beau, ce texte est plein d’espoir. Je crois que c’est aussi un peu pour ça que nous avons décidé de partir vivre sur les routes avec nos deux enfants : retrouver notre humanité en découvrant l’autre, ailleurs. Nous reviendrons plus riches des rencontres faites en route. Et sans doutes un peu meilleurs. Du moins je l’espère.
ALORS!!! RETROUSSEZ VOS MANCHES et OUVREZ VOTRE COEUR!!!! Ne restez pas spectateur! Contactez un bénévole et offrez votre temps, votre amitié et tout ce que vous pouvez leur donner.
Catherine
2 ans de Tournai Refuge (Belgique), d’ aventures humaines, d’amitié, de solidarité…… !!!! et surtout le rire des enfants, les yeux joyeux des ados et les accolades chaleureuses de tous!!!!!
Très beau texte… A Paris aussi il y a de multiples manières de s’engager, du thé du jeudi soir à Stalingrad, aux cours de français du BAAM, en passant par les Petits Dejs de Flandres, le Vestiaire Saint Bernard ou la Timmy de Paris d’Exil… Si certain.e.s cherchent un tandem, j’ai beaucoup d’élèves soudanais ultra motivés qui adoreraient passer une heure par semaine à papoter avec un.e francophone ! A bon entendeur…
Bravo à la personne qui a écrit cette lettre 🙂
Bonne journée !
En ouvrant notre porte aux portes aux autres, c’est aussi à notre cœur qu’on entrouvre un espace de liberté.
Mais en lisant ces lignes, je pense aussi à l’incroyable – et inlassable – travail de SOS Méditerranée, dont le bateau vogue seul en Méditerranée pour ramener sains et saufs ceux qui sont perdus.
Hier, j’ai aussi découvert le travail d’une association qui tient une Hot Line d’information aux migrants pour leur donner les clés légales.
Quand nos gouvernements baissent les bras, ces citoyens qui se lèvent sont notre lumière dans la nuit.
Bonjour,
Je lis parfois le blog et merci pour toutes ces tranches de vie. J’ai vécu et travaillé plusieurs années à St Denis 93. Si vraiment vous voulez aider, c’est simplissime au quotidien: pour les parisiennes, passez le périphérique et rdv métro St Denis basilique ligne 13 avec un bon sandwich 🙂 Vous ferez des heureux! Il y a bcp d’enfants affamés (bonbons appréciés aussi). Belle journée!
magnifique texte, magnifique leçon d’humanité…même sentiment d’impuissance ici …même volonté d’agir…sans savoir comment bien souvent…même honte face au rejet, l’inaction des gouvernements et la peur de l’inconnu…merci pour ces mots qui font du bien car ils me rappellent que grâce à quelques poignées d’hommes et de femmes, on peut faire bouger les choses et cela commence par la parole. Et le courage.
Très beau texte… A Paris aussi il y a de multiples manières de s’engager, du thé du jeudi soir à Stalingrad, aux cours de français du BAAM, en passant par les Petits Dejs de Flandres, le Vestiaire Saint Bernard ou la Timmy de Paris d’Exil… Si certain.e.s cherchent un tandem, j’ai beaucoup d’élèves soudanais ultra motivés qui adoreraient passer une heure par semaine à papoter avec un.e francophone ! A bon entendeur…
Bravo à la personne qui a écrit cette lettre
Bonne journée !
Bouleversant…je suis très émue et n’ai rien à dire. Je suis souvent désespérée d’entendre ça et là des commentaires de rejet, dénués d’empathie et je m’interroge si souvent sur cette humanité ça fait vraiment du bien de lire ces paroles et commentaires. Je me dis que c’est possible. Merci Elisa de relayer ces messages.
C’est poignant, émouvant et encourageant. Ce texte est un pavé dans la mare, dans ma mare…, il secoue ma conscience. Peut on vraiment vivre comme ça?
C’est touchant. Bravo.
Je suis heureuse de voir dans les commentaires d’autres bénévoles donner des pistes d’action. Puissent-elles donner envie à d’autres lecteurs de s’engager, même un tout petit petit peu ! Moi je suis très loin de Paris et Bruxelles, mais dans mon village aussi il y a un centre de demandeurs d’asile, et donc des demandeurs d’asile déboutés, qui se retrouvent sans rien du jour au lendemain, et en pleine campagne ! La solidarité s’organise. Je participe, à mon très petit niveau. D’autres en font énormément. Chacun fait ce qu’il peut, et même les petites actions sont utiles !
Comme May, Sophie et Catherine, j’ai envie de vous dire : si ces textes vous touchent, engagez-vous, sans trop vous posez de questions ! J’ai commencé à donner des cours de français aux demandeurs d’asile, un peu sur un coup de tête, il y a un peu plus d’une année, alors que j’avais déjà un agenda surchargé. C’est une expérience extraordinaire, qui m’apporte énormément. En échange, j’apprends maintenant l’arabe avec un de mes étudiants. Alors, même si vous avez juste une heure par semaine, ou même pas, toutes les actions sont utiles et bienvenues !
Bravo, la bienveillance et l’ouverture à l’autre est si importante! Merci pour ce partage
je pleure…